Vendre son bien immobilier à son enfant, à charge pour lui de payer une rente viagère entraîne une requalification de l’opération en donation. Ainsi, l’article 918 du Code civil dispose que « la valeur en pleine propriété des biens aliénés, soit à charge de rente viagère, soit à fonds perdus, ou avec réserve d’usufruit à l’un des successibles en ligne directe, est imputée sur la quotité disponible ».
Dans cette situation, il existe donc une présomption irréfragable de libéralité hors part successorale en lieu et place d’une vente en viager. Aucune preuve contraire ne peut être apportée pour éviter cette requalification.
Nous préciserons ici que cette présomption concerne la vente en viager à son enfant ou plus précisément à un successible en ligne directe, c'est-à-dire l’héritier présomptif au jour de l’acte d’aliénation. Ainsi, la présomption joue en cas de vente en viager à son petit-fils, si le père de ce dernier est décédé au moment de la vente. A l’inverse, si son père est toujours vivant, la vente en viager par le grand-père ne sera pas requalifiée en donation de façon irréfragable.
Par cette présomption de donation, le législateur a voulu éluder tout risque de donation déguisée en vente en viager. En effet, suivant le patrimoine du donateur, il peut être plus intéressant de payer des droits de mutation à titre onéreux que des droits de mutation à titre gratuit. Si cela est effectivement le cas, les parties auront intérêt fiscalement à vendre le bien immobilier en viager, sans que le vendeur ne réclame le versement de la rente viagère ou ne jouisse de l’usufruit. C’est pour éviter cela, qu’une vente en viager effectuée à ses enfants sera toujours considérée comme une donation.
En outre, sans cette requalification en donation, il serait facile pour le vendeur en viager de privilégier un enfant au détriment d’un autre. Nous rappellerons que le droit français actuel ne permet pas d’exhéréder ses enfants (sauf à dilapider son patrimoine ou en cas d’indignité). Ainsi, en requalifiant automatiquement en donation la vente en viager à un successible en ligne directe, le législateur simplifie une action en réduction pour reconstituer les réserves des héritiers lésés.
Le risque pour l’acquéreur en viager, dès lors qu’il est un successible en ligne directe du vendeur, est donc que la valeur du bien qui lui est transmise dépasse la quotité disponible (portion du patrimoine du défunt librement cessible), ce qui entraînerait une réduction en valeur de la donation présumée.
Cette présomption irréfragable peut toutefois être écartée. En effet, la jurisprudence estime que la présomption peut être écartée lorsque la vente en viager se fait au profit d’une société dont un héritier réservataire est associé.