Une vente immobilière se réalise toujours en deux temps : la signature préalable d’un avant-contrat sous seing privé, souvent appelé compromis, puis la signature d’un acte authentique devant Notaire. Le compromis est l’acte le plus important car il permet de fixer le consentement des parties sur le prix, la chose vendue et les conditions de la vente. Parmi ces conditions, certaines méritent une attention toute particulière : les conditions suspensives.
Intégrées dans le compromis, elles permettent de subordonner la réalisation de la vente définitive à la survenance d’événements futurs et incertains. Ainsi chaque partie s’oblige dans le compromis à réaliser la vente à la condition qu’un événement, prévu à l’avance, se réalise dans un délai donné. Les effets du contrat sont alors suspendus. Si cet événement se réalise, les parties seront obligées de réaliser la vente. L’une des parties pourra mettre en demeure son cocontractant d’exécuter ses obligations sous peine de dommages et intérêts (bien souvent une clause pénale est prévue à cet effet). Dans le cas contraire le compromis deviendra caduc et la vente ne se réalisera pas.
L’exemple le plus courant est la condition suspensive d’obtention d’un prêt qui permet de soumettre la réalisation définitive de la vente à l’obtention par l’acquéreur du financement nécessaire.
Le mécanisme de la condition suspensive
Les conditions suspensives intégrées dans le compromis permettent donc de suspendre les effets de la vente le temps qu’un ou plusieurs événements se réalisent. Les parties se sont alors déjà engagées dans le compromis. Dès que l’événement se sera réalisé, la vente sera définitive. Il suffira alors de constater la réalisation des conditions suspensives dans un acte notarié pour rendre la vente effective. Vendeur et acquéreur seront alors obligés de signer l’acte de vente authentique.
Au contraire, lorsque les conditions suspensives ne se réalisent pas, le compromis est considéré comme caduc et chaque partie reprend sa liberté.
Toutefois, il est possible de signer l’acte de vente définitif alors même que les événements érigés en condition suspensive ne se sont pas réalisés. En effet, il faut distinguer au profit de qui ces conditions ont été insérées. La partie en faveur de qui la condition suspensive a été intégrée peut y renoncer. Par exemple : l’acquéreur qui a signé un compromis de vente sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt peut décider de réaliser la vente alors même qu’il n’aurait pas obtenu son financement (hypothèse où il aurait les liquidités nécessaires). En revanche, dans cette situation, le vendeur ne pourrait pas forcer l’acquéreur à acheter.
C’est pourquoi, il faut toujours indiquer, dans une condition suspensive, au profit de qui elle a été insérée.
Par contre, si l’événement érigé en condition suspensive ne se réalise pas à cause du comportement fautif d’une des parties, la partie fautive peut être sanctionnée par l’obligation d’exécuter le contrat de vente ou le versement de dommages et intérêts.
Ca sera le cas par exemple, lorsqu’en présence d’une condition suspensive d’obtention d’un permis de construire, l’acquéreur ne dépose pas le dossier de demande de permis pour faire échouer la condition.
Les conditions suspensives : Les interdictions
L’utilisation des conditions suspensives dans un compromis n’est pas entièrement libre. Tous les événements futurs et incertains ne peuvent pas être utilisés comme condition suspensive.
Il existe de nombreuses interdictions.
Ainsi, une condition ne peut pas être illicite, contraire aux bonnes mœurs ou encore impossible (événement qui ne pourra objectivement jamais se réaliser).
De plus, il n’est pas possible d’ériger comme condition suspensive dans un compromis une condition de validité essentielle à l’existence du contrat de vente, tel que le consentement d’une des parties.
Par exemple : dans l’hypothèse où un appartement appartient à deux personnes distinctes, il n’est pas possible qu’un des deux propriétaires signe un compromis de vente sous condition suspensive de l’obtention du consentement du deuxième. En effet le compromis de vente est déjà en soi une vente, seuls les effets de cette vente sont retardés à la signature de l’acte authentique chez le notaire. Ainsi le compromis doit réunir toutes les conditions essentielles de la vente : le consentement de toutes les parties (vendeur et acquéreur), la désignation de la chose vendue et le prix. Sans le consentement d’une des parties, le compromis n’a aucune existence juridique.
De même, lorsque le ou l’un des propriétaires est mineur ou soumis à un régime de protection des majeurs incapables (par exemple tutelle), il sera nécessaire, pour obtenir un consentement valable de cette personne protégée, d’avoir l’autorisation du juge des tutelles. De la même façon, il ne sera pas possible d’ériger en condition suspensive dans un compromis l’obtention de l’autorisation du juge des tutelles car cette autorisation est inhérente au consentement du protégé. Sans cette autorisation, il n’y a pas de consentement et donc pas de compromis.
De la même façon, lorsque la vente porte sur un immeuble, appartenant en propre à un des époux et constituant le logement de famille, le consentement du conjoint (article 215al3 Code civil) doit être obtenu dès la signature du compromis sous peine de nullité et ne peut pas être érigé en condition suspensive.
Les Conditions suspensives potestatives
Une condition suspensive ne peut pas être potestative sans quoi le compromis serait frappé de nullité. Une condition potestative est une condition dans laquelle la survenance de l’événement futur (dont dépend l’exécution du contrat) dépend de la volonté d’une des parties. Par exemple : l’acquéreur qui s’engage à acheter un appartement à la condition qu’il décide de déménager dans la ville où se situe ledit appartement. Cette condition est potestative car l’acquéreur est libre de décider de ne pas déménager et donc de ne pas acheter.
Une telle condition revient pour l’acquéreur à s’engager à acheter à la condition qu’il décide d’acheter. En soit, il n’y pas de véritable engagement et c’est pourquoi le juge annule de telles conventions.
Toutefois la doctrine et la jurisprudence ont distinguées deux types de conditions potestatives :
- les conditions purement potestatives : où l’événement dépend entièrement de la volonté d’une des parties au contrat. Les conventions avec de telles conditions sont considérées comme nulles.
- les conditions simplement potestatives : où l’événement dépend pour partie de la volonté d’une des parties et pour partie d’un fait extérieur à sa volonté. Ces conditions sont généralement validées par la jurisprudence. Par exemple, la condition suspensive de la mutation professionnelle de l’acquéreur dans la ville ou se situe le bien.
Ainsi une condition qui permettrait à une des parties de ne pas conclure la vente définitive arbitrairement rend sans effets le compromis.