Lorsqu’un propriétaire signe un mandat de vente hors établissement avec une agence immobilière — c’est-à-dire à distance, à domicile ou par voie électronique — il bénéficie d’un droit de rétractation de 14 jours, conformément à la loi Hamon du 17 mars 2014. Ce délai vise à protéger le consommateur contre toute décision précipitée, en lui offrant la possibilité de revenir sur son engagement sans justification ni frais.
Ce que l’on ignore souvent, c’est que même si le vendeur autorise l’agence à commencer immédiatement sa mission, via une demande expresse d’exécution anticipée du mandat, cela ne le prive pas pour autant de son droit de se rétracter. Cette exécution anticipée — qui permet à l’agence de publier l’annonce, organiser des visites ou négocier — n’efface pas le délai de rétractation tant que la mission de l’agence n’a pas été « pleinement exécutée ».
Toute la question est alors de déterminer à quel moment cette mission est juridiquement considérée comme accomplie. Dans le cadre d’un mandat de vente, cela correspond à la recherche d’un acquéreur répondant aux conditions fixées dans le mandat. À compter de cet instant, l’exercice du droit de rétractation devient caduc.
Pour répondre précisément à cette problématique, il convient de croiser deux régimes juridiques : les règles protectrices du Code de la consommation (articles L. 221-25 et L. 221-28), qui prévoient que le droit de rétractation cesse dès que le service a été pleinement exécuté avec l’accord exprès du consommateur, et les dispositions spécifiques à la transaction immobilière.
En effet, l’article 6 de la loi Hoguet interdit à l’agent immobilier de percevoir une quelconque rémunération ou somme d’argent tant que la vente n’a pas été « effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ».
Ce cadre légal crée une zone grise, particulièrement délicate si, dans ce laps de temps de 14 jours, l’agence trouve un acquéreur et transmet une offre d’achat. Et si cette offre est acceptée ? Rétractation encore possible ou pas ? Droit à indemnité ou non ?
Le droit de rétractation : principe et exception
Conformément à la loi Hamon du 17 mars 2014, un mandat de vente signé hors établissement ouvre droit à 14 jours de rétractation pour le mandant, sans frais ni justification. Ce délai commence à courir à compter de la signature du mandat.
Toutefois, le vendeur peut demander expressément l’exécution anticipée du mandat, c’est-à-dire autoriser l’agence à commencer immédiatement sa mission (mise en ligne, visites, négociation). Cette demande n’annule pas le droit de rétractation.
Mais l’exercice de ce droit dépend de la situation contractuelle au moment où le vendeur souhaite se rétracter.
Cas n°1 : le vendeur a accepté une offre d’achat dans les 14 jours
✅ La vente est juridiquement parfaite. Dès lors que l’offre d’achat (au prix du mandat ou non) est acceptée par le vendeur, l’accord des volontés est formé. La Cour de cassation a déjà jugé que l’échange d’une offre et de son acceptation peut valoir vente, même sans compromis, dès lors que rien ne conditionne la validité de l’accord à un formalisme particulier (Cass. 3e civ., 29 sept. 2016, n° 14-26674).
➡ Conséquence : le droit de rétractation ne peut plus être exercé. Le vendeur est lié par son acceptation et ne peut plus invoquer la rétractation du mandat pour revenir sur la vente. Cette dernière, bien que peut-être non encore formalisée dans un acte écrit, est considérée comme juridiquement aboutie. La mission de l’agence est donc pleinement exécutée.
Cas n°2 : le vendeur refuse l’offre, même au prix du mandat, dans les 14 jours
❓ Ici, le terrain est plus incertain. En l’absence d’acceptation de l’offre au prix du mandat, il n’y a pas de vente parfaite. La jurisprudence reste silencieuse sur ce point précis dans le cadre du délai de rétractation, et le doute subsiste quant à l’effet de la rétractation du mandat sur les obligations du vendeur.
D’un côté :
• Le vendeur n’a pas accepté, donc la vente n’est pas formée.
• La loi Hoguet interdit à l’agent de réclamer sa rémunération avant la conclusion d’un acte écrit engageant les parties.
Mais d’un autre :
• Si l’offre transmise respecte les conditions du mandat (prix, délais...), le vendeur s’était contractuellement engagé à l’accepter.
• Son refus constitue un manquement à ses obligations, et ce même s’il exerce son droit de rétractation.
➡ Conséquence possible : l’application de la clause pénale prévue dans le mandat. Même si la commission n’est pas due, l’agence pourrait invoquer cette clause afin d’obtenir une indemnité compensatrice, en vertu du droit commun des contrats. Il ne s’agit pas ici d’une rémunération, mais de la réparation d’un préjudice contractuel. En effet, on peut considérer que l’agence a pleinement exécuté sa mission, même si la vente n’est pas finalisée. Le mandant a expressément demandé une exécution anticipée de la mission, laquelle consiste à trouver un acquéreur à un prix déterminé, et non à recueillir une seconde fois l’accord du mandant.
En résumé
Situation | Droit de rétractation ? | Commission due ? | Indemnité possible ? |
---|---|---|---|
Offre acceptée dans les 14 jours | ❌ Non | ✅ Oui (au moment prévu par la loi Hoguet) | N/A |
Offre au prix refusée | ✅ Oui | ❌ Non | ✅ Oui, via clause pénale |
Pas d’offre transmise ou à un prix inférieur | ✅ Oui | ❌ Non | ❌ Non |